L’assurance est-elle obligatoire pour l’usage d’un drone ?
L’assurance est-elle obligatoire pour l’usage d’un drone ?

L’assurance est-elle obligatoire pour l’usage d’un drone ?

L’obligation légale d’assurance

Pour les RPAS qui entrent dans son champ d’application, l’Arrêté royal du 10 avril 2016 relatif à l’utilisation des aéronefs télépilotés dans l’espace aérien belge impose une obligation légale d’assurance telle que prescrite par son article 97 : 

« Tout exploitant qui opère un RPAS pour des activités professionnelles et/ou commerciales est assuré conformément à l’article 7 du Règlement (CE) n° 785/2004 du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 relatif aux exigences en matière d’assurance applicables aux transporteurs aériens et aux exploitant d’aéronefs.

Tout exploitant, ou à défaut tout télépilote de RPAS opéré exclusivement pour des activités non commerciales, contracte une assurance responsabilité civile pour couvrir les dommages corporels et matériels à des tiers ». 

Il s’agit donc d’une assurance obligatoire dès le moment où l’usage d’un drone ou d’un aéromodèle ne rentre pas dans les conditions d’exclusion visées à l’article 3, §2, de l’Arrêté royal précité (MMD supérieure à 1 kg et hauteur de vol au-delà de 10 m), que ce soit dans un but professionnel ou commerciale, ou à des fins personnelles et de loisir. 

Plafonds minima et maxima de la couverture

Pour rappel, certains réglementations déterminent les montants auxquels la couverture peut être limitée par fait dommageable, telle que l’assurance de la RC vie privée (art. 5 de l’Arrêté royal du 12 janvier 1984 déterminant les conditions minimales de garantie des contrats d’assurance couvrant la responsabilité civile extra-contractuelle relative à la vie privée) qui peut être plafonnée à 12.394.676,24 euros pour les dommages corporels et à 619.733,81 euros pour les dommages matériels.

Ces montant sont indexés actuellement à 24.932.320,18 euros et à 1.246.616,00 euros pour les dommages corporels et les dommages matériels.. 

En ce qui concerne les garanties minimales, l’arrêté royal du 10 avril 2016 opère une distinction entre l’usage d’un RPAS dans un but professionnel et/ou commercial et celui opéré exclusivement à des fins personnelles et de loisir. 

Usage professionnel et/ou commercial (article 97, alinéa 1)

En cas d’utilisation d’un RPA dans un but professionnel et/ou commercial, il conviendra de se conformer à l’article 7 du Règlement (CE) n° 785/2004 qui a pour objet de « fixer les exigences minimales en matière d’assurance applicables aux transporteurs aériens et aux exploitants d’aéronefs à l’égard des passagers, des bagages, du fret et des tiers » (article 1) et qui s’applique « à tous les transporteurs aériens et à tous les exploitants d’aéronefs qui utilisent l’espace aérien à l’intérieur, à destination, en provenance ou au-dessus du territoire d’un État membre auquel le traité s’applique » (article 2).

Il prescrit une couverture à l’égard des tiers d’un minimum de 0,75 millions de DTS (droit de tirage spécial tel que défini par le Fonds monétaire international) par accident pour les aéronefs dont la masse maximale au décollage est inférieure à 500 kg. 

La dernière pondération actuellement en cours pour l’Euro est de 0.801622 DTS, soit une couverture minimal d’environ 935.603,00 euros par sinistre.

Si l’alinéa 1 de l’article 97 de l’arrêté royal n’est pas très explicite, il convient d’admettre que cette couverture minimal doit garantir tant les dommages matériels que corporels causés aux tiers, comme le précise son alinéa 2, ce qui signifie une garantie relativement restreinte lorsque l’on imagine les conséquences qu’est susceptible d’engendrer un sinistre.

Le même règlement européen prévoit que les Etats peuvent réclamer la preuve du respect des exigences minimales en matière d’assurances et adopter des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives (article 8 du Règlement). 

Dans le cadre de la loi du 27 juin 1937 portant révision de la loi du 16 novembre 1919 relative à la réglementation de la navigation aérienne, « les infractions aux règlements de la Communauté européenne relatifs à l’aviation civile et aux dispositions des arrêtés royaux pris en exécution de cette loi seront punies d’un emprisonnement de huit jours à un an et d’une amende de deux cents euros à quatre millions d’euros ou d’une de ces peines seulement » (article 32, alinéa 2).

Usage exclusivement récréatif (article 97, alinéa 2)

En cas d’utilisation d’un RPA pour des activités non commerciales, l’Arrêté royal impose également une assurance responsabilité civile pour couvrir les dommages matériels et corporels occasionnés aux tiers mais ne prévoit cette fois aucune couverture minimale. 

En revanche , l’article 5 de l’Arrêté royal du 12 janvier 1984 déterminant les conditions minimales de garantie des contrats d’assurance couvrant la responsabilité civile extra-contractuelle relative à la vie privée prévoit que la garantie peut être limitée à la somme de 12 394 676,24 euros par fait dommageable dont il résulte des lésions corporelles et à 619 733,81 euros en ce qui concerne les dégâts matériels. Ces montants sont soumis à l’indice des prix à la consommation.

Il conviendra dès lors d’être particulièrement attentif aux planchers définis dans les contrats d’assurance. 

Circulaire CIR/GDF-10

En cas d’utilisations d’aéromodèles qui n’entrent pas dans le champs d’application de l’Arrêté royal (MMD inférieure à 1 kg et hauteur de vol inférieure à 10 m), la 5ème édition de la circulaire CIR/GDF-01 du 29 juillet 2013, ayant pour objet les aéromodèles, terrains d’aéromodélisme, le vol avec les aéromodèles et les spectacles d’aéromodélisme, impose également une couverture minimale.

Son article 9.1 prévoit que le propriétaire d’un aéromodèle doit être couvert par un contrat d’assurance en responsabilité civile à concurrence d’un minimum de 2.500.000,00 EUR pour les dégâts corporels et d’un minimum de 500.000,00 EUR pour les dégâts matériels.

Toutefois, une telle circulaire n’a aucune valeur contraignante et il n’y a dès lors aucune obligation légale d’assurance pour l’usage d’un aéromodèle qui n’entrerait pas dans le champs d’application de l’Arrêté royal. 

Assurance aérienne et droit applicable

Sous l’empire de la loi du 25 juin 1992

Jusqu’à peu, s’agissant d’une assurance aérienne, la jurisprudence et la doctrine majoritaire considéraient qu’elle ne pouvait tomber sous le champ d’application de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre dès lors que cette dernière trouvait à s’appliquer à toutes les assurances terrestres dans la mesure où il n’y était pas dérogé par des lois particulières et peu importe qu’il soit question de transport de marchandises. 

Il convenait donc de s’en tenir aux dispositions supplétives de la loi du 11 juin 1874 sur les assurances en général, laquelle était moins favorable aux assurés et n’organisait aucune action directe contre l’assureur. 

La nouvelle loi du 4 avril 2014

A première vue, cet acquis ne devait pas être bouleversé par l’entrée en vigueur de la nouvelle loi du 4 avril 2014 puisqu’elle ne modifie pas fondamentalement la structure de son champ d’application : les assurances aériennes restant en principe exclues de la partie 4 de la nouvelle loi, elles doivent nécessairement relever de la partie 5 applicable aux autres contrats d’assurance tant qu’aucune disposition n’y déroge. 

S’il y a peu, cette position était encore confirmée dans deux de ses arrêts (Cass., 16 septembre 2011, Pas., 2011, p. 1982 ; R.G.A.R., 2011, n° 14795 ; Cass., 1er mars 2013, R.D.C., 2013, p. 533), la Cour de cassation a toutefois adopté très récemment un revirement surprenant de sa jurisprudence (Cass., 18 décembre 2015, R.G.A.R., 2016, n° 15299) dans un cas d’espèce relatif à de petits avions de plaisance. 

Dans son arrêt du 18 décembre 2015, la Cour de cassation est allée bien plus loi puisqu’elle a finalement décidé que « si elle ne s’applique ni aux assurances maritimes ni aux assurances fluviales, que régissent des lois particulières, la loi du 25 juin 1992 s’applique aux assurances aériennes, à l’exception des assurances des transports de marchandise » et non uniquement aux assurances des « petits avions de plaisance ». 

Elle a ainsi adopté une position plus large que celle émise par l’Avocat général J.F. LECLERCQ :

« On relèvera cependant: A) que les termes de l’article 2, § 1er, de la loi du 25 juin 1992 n’excluent en tout cas pas du champ d’application de cette loi les assurances de petits avions de plaisance comme en l’espèce; B) que la situation terre ferme-air de ces petits avions de plaisance est, on en conviendra, différente de celle des avions exploités intensivement; de tels petits avions de plaisance passent sans doute plus de temps à terre que dans les cieux, tout à l’inverse, par exemple, des avions des transporteurs low-cost; qu’il y a donc des risques pour partie dans les airs et pour partie (certainement non négligeable) sur la terre ferme; C) qu’on constate de plus en plus, me semble-t-il, l’existence d’une tendance à une sorte de “statut” spécifique aux petits aéronefs. »

Suivant le dernier arrêt de la Cour de cassation du 18 décembre 2015, les dispositions de la partie 4, relatives au contrat d’assurance terrestre, trouveraient dès lors à s’appliquer aux assurances aériennes tant qu’elles ne concernent pas les transports de marchandises.

Toutefois, cette nouvelle position ne semble pas emporter un assentiment général et d’aucuns considèrent que cet arrêt est contraire aux travaux préparatoires de la loi du 25 juin 1992 et constitue une source d’insécurité juridique au regard de la jurisprudence antérieure. 

Il conviendra dès lors de se montrer extrêmement prudent en attendant une nouvelle intervention législative sur les dispositions applicables aux assurances aériennes qui ne concernent pas le transport de choses. 

Etendue des risques et contrats d’assurance

Risques couverts

S’agissant d’une assurance de dommages, à caractère indemnitaire, l’intérêt de l’assurance de responsabilité est de protéger le patrimoine de l’assuré à l’égard des conséquences d’une action en responsabilité à son encontre lorsque le risque assuré a impliqué un fait dommageable, l’apparition d’un dommage ainsi qu’une réclamation de la victime (article 141 et suivants de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances).

Le plus souvent, lorsque le fait dommageable est de nature extra-contractuelle, les contrats d’assurance précisent les dispositions légales susceptibles de fonder la responsabilité (les articles 1382 à 1386bis du Code civil, voire même son article 544 en matière de troubles de voisinages) ou définissent d’une façon générale les actes qui engagent celle-ci (par exemple en RC vie privée: « tous les actes qui ne résultent pas de l’exercice d’une activité professionnelle, c’est-à-dire d’une activité exercée dans un but lucratif et de manière habituelle »).

Ensuite, les conditions générales stipulent également le type de dommage pris en charge et les montants maximum assurés selon que ce dernier soit de nature corporelle (lésions), matériel (pertes), voir même immatériel (personnels). 

Il conviendra d’être particulièrement attentif aux planchers minimum requis en cas d’utilisation d’un RPA à des fins professionnelles et/ou commerciales et aux plafonds indexés qui peuvent limiter l’intervention de l’assureur conformément à l’article 5 de l’Arrêté royal du 12 janvier 1984 déterminant les conditions minimales de garantie des contrats d’assurance couvrant la responsabilité civile extra-contractuelle relative à la vie privée.

Risques exclus

Si l’étendue d’une assurance de responsabilité peut paraitre relativement large, le risque couvert est toutefois restreint généralement par la description de certaines activités particulières et strictement limité par d’autres qui en sont expressément exclues. 

Tout d’abord, certains contrats d’assurance peuvent exclure de leur couverture les dommages qui procèdent d’une responsabilité relevant d’une assurance spécifique rendue obligatoire par la loi, à moins que la couverture soit expressément accordée. Tel est le cas en matière de RC vie privée (article 6 de l’arrêté royal précité du 12 janvier 1984).

En d’autres termes, si une pareille exclusion est d’emblée stipulée, la couverture ne sera tout simplement pas acquise pour l’utilisation d’un RPA qui entrent dans le champ d’application de l’arrêté royal du du 10 avril 2016 et il conviendra de veiller à souscrire un contrat d’assurance spécifique à ce type d’activité. 

Ensuite, les polices d’assurance peuvent encore exclure une activité particulière liée à l’utilisation d’un RPA ou aux conditions dans lesquelles celle-ci intervient. De telles conditions peuvent correspondre à celles imposées par la réglementation en vigueur et il conviendra à nouveau d’être particulièrement attentif aux termes utilisés et aux définitions qui y correspondent. 

Enfin, rappelons que l’assureur ne peut jamais être tenu d’offrir sa garantie si le dommage résulte d’un acte intentionnel et pourra tout autant exclure son intervention en cas de fautes lourdes déterminées expressément et limitativement dans le contrat. 

A cet égard, il y a lieu de rappeler que lorsque la responsabilité civile personnelle de l’assuré  qui a atteint l’âge de 16 ans est engagée en raison d’un acte intentionnel de sa part, la garantie restera toutefois acquise à ses parents si leur responsabilité est retenue sur pied de l’article 1384, alinéa 2 du Code civil en raison d’un manquement à l’obligation de surveillance et d’éducation de leur enfant. 

Protection de la victime et régime des exceptions

S’agissant d’une assurance obligatoire chaque fois que l’utilisation d’un RPA relève du champ d’application de l’arrêté royal du 10 avril 2016, la protection de la personne lésée et le régime d’inopposabilité de exceptions dépendra préalablement de la question de savoir si le contrat d’assurance doit relever de la partie 4 ou de la partie 5 de loi du 4 avril 2014 relative aux assurances. 

Si la partie 4 lui est applicable, la personne lésée disposera d’une action directe contre l’assureur et les exceptions, franchises, nullités et déchéances dérivant de la loi ou du contrat et trouvant leur cause dans un fait antérieur ou postérieur au sinistre, lui seront alors inopposables. Toutefois, la portée du contrat (l’annulation, la résiliation, l’expiration ou la suspension du contrat intervenues avant la survenance du sinistre) et l’existence d’une exclusion expressément mentionnée pourront lui être opposées et justifieront alors l’intérêt de mettre également l’assuré à la cause.

En revanche, si le contrat d’assurance est soumis à la partie 5 de la loi relative aux assurances et qu’aucune stipulation pour autrui n’y est organisée, aucun recours directe n’est prévu au profit de la victime à l’encontre de l’assureur, lequel serait alors susceptible de lui opposer toutes les exceptions ainsi qu’à son propre assuré qui entendrait le mettre à la cause.

Ce régime plus défavorable à la personne lésée trouvera également à s’appliquer pour les exceptions tirées d’un fait antérieure au sinistre, chaque fois que l’utilisation d’un aéromodèle n’entre pas dans le champ d’application de l’arrêté royal du 10 avril 2016 et n’est donc pas soumise à l’obligation d’assurance.

Recours de l’assureur

Recours subrogatoire

Payant sa dette contractuelle, l’assureur de responsabilité n’aura d’intérêt à être subrogé dans les droits de son assuré que lorsque ce dernier n’est pas le seul responsable et qu’il entend obtenir des autres responsables condamnés les parts du dommage qui leur incombent.

Plus souvent, il sera subrogé dans les droits de la victime, qu’il ait été amené à l’indemniser directement ou appelé à garantir son assuré suivant que le contrat d’assurance relève de la partie 4 ou 5 de la nouvelle loi des assurances. 

Si le contrat d’assurance appartient à la catégorie des assurances terrestre, il convient de rappeler également que ce droit de recours est exclu à l’encontre des descendants, ascendants, conjoints, alliés en ligne directe de l’assuré et les personnes vivant à son foyer, à moins que la responsabilité de ces personnes soit effectivement couverte par un contrat d’assurance (art. 95 de la loi sur les assurances). 

Action récursoire

Lorsque l’assureur n’a pu opposer à la victime les exceptions tirées d’un fait postérieur au sinistre dans le cadre d’une assurance non obligatoire ou toutes celles nées d’un fait tant antérieur que postérieur au sinistre dans les assurances obligatoires, l’action récursoire lui permet de récupérer ses débours auprès de son assuré ou du preneur d’assurance. 

Dans ce cas, dès qu’il a connaissance des faits justifiant le recours, il a l’obligation de lui notifier son intention de l’exercer (art. 152, alinéa 2 de la loi sur les assurances) sous peine de perdre l’exercice de ce droit. 

Ce recours sera toutefois limité par le montant des indemnités que l’assureur a effectivement décaissé au profit de la victime et qui est établi par un jugement contradictoire opposable à l’assuré. 

Dans le cadre d’un contrat de RC vie privée, si l’assuré était mineur au moment de l’évènement dommageable, le recours s’exerce intégralement pour les débours qui ne dépassent pas les 11.000 euros et à concurrence de la moitié de la partie de ceux qui sont supérieurs à cette limite avec un montant maximum de 31.000 euros (art. 7 de l’AR du 12.01.1984 déterminant les conditions minimales de garantie des contrats d’assurance couvrant la responsabilité civile extra-contractuelle relative à la vie privée).

Conclusion

L’Arrêté royal du 10 avril 2016 et l’arrêt du 18 décembre 2015 de la Cour de cassation ont considérablement accru la protection des victimes dans le cadre de sinistres causés par l’utilisation d’objets volants d’un nouveau genre : les drones. 

Les conditions d’exclusion du champ d’application de l’arrêté sont tellement restrictives que la plupart des utilisations d’un drone est soumise à l’obligation d’assurance. 

Les contrats seront sans doute règlementés prochainement par des dispositions légales nouvelles précisant par renvoi lesquelles de la loi relative aux assurances devront leur être applicables.